En l’état actuel de nos connaissances, la préhistoire de l’Afrique du Nord
demeure relativement énigmatique même s’il
est certain que c’est sur ce continent, et plus précisément
en Tanzanie, que le « plus lointain ancêtre de l’Homme
» fait son apparition il y a environ deux millions d’années.
C’est également en Afrique que l’Homme entame
les premières étapes de son évolution en
apprenant à chasser et à façonner des outils
de pierre plaçant déjà l’Humanité
sur la voie de la civilisation.
Grâce à un certain nombre de découvertes
archéologiques, certaines phases de la préhistoire
de l’Afrique du Nord, et du Maroc en particulier, semblent
posséder des caractéristiques spécifiques.
Le Paléolithique inférieur (environ – 1 500 000)
Cette phase du Paléolithique ou de «l’époque
de la pierre taillée », caractérisée
par la première manifestation de l’activité
créatrice de l’Homme et de son intelligence (c’est-à-dire
les prémices de la taille de la pierre), a révélé
un grand nombre de similitudes entre l’Afrique du Nord,
l’Europe mais également l’Asie. En effet,
le galet plus ou moins aménagé est partout la
première création humaine.
Au Maroc, le climat tropical humide engendre une flore très
dense (savanes et forêts) et une faune diversifiée.
Le nombre de ses habitants, aux caractéristiques proches
de celles de l’Homme de Néanderthal (c'est-à-dire
un crâne aux os épais, au profil fuyant avec une
arcade sourcilière saillante, des orbites enfoncées,
une mâchoire très forte) est réduit. Ils
sont petits, marchent voûtés et vivent principalement
de cueillette et de chasse de petits animaux.
Même si la grande majorité de leur outillage, très
rudimentaire, semble être en bois ou cuir, le façonnage
et l’usage de la pierre taillée (qui consiste à
modifier la forme de galets en détachant des éclats
par chocs, afin d’obtenir une sorte de tranchant ou de
pointe) sont attestés par la découverte d’un
nombre considérable de ces outils en pierre sur le plateau
de Salé, à Tardiguet el Rahla et à Souk
el Arba. Ainsi, le Maroc connut également cette «
pebble culture » ou civilisation du galet.
La taille de la pierre se perfectionne peu à peu. On
passe alors du galet aménagé au « biface»
ou au « hachereau» caractéristiques d’Afrique
du Nord (au lieu d’une pointe comme sur les coups-de-poing
européens, on a une arête tranchante).
Les plus importantes découvertes de bifaces taillés
à la pierre ont été faites à Sidi
Abderrahmane et celles de bifaces taillés au bois à
Jbel Irhoud.
Le Paléolithique moyen : l’Atérien (environ – 50 000)
Cette phase de la Préhistoire est spécifiquement
nord-africaine et son nom provient du gisement de Bir El Ater
en Algérie.
Le façonnage d’outils fait preuve d’une assez
grande maîtrise. Le silex, pouvant se débiter en
éclats minces, coupants et résistants, s’est
substitué aux roches dures de la période précédente,
laves ou quartzites, difficiles à tailler. Ce sont désormais
les éclats de galets que l’on utilise et les outils
obtenus sont par conséquent de dimension réduite.
De très beaux exemples, parmi lesquels se trouvent de
fines lames, pointes, racloirs et grattoirs ainsi que des pièces
taillées sur les deux faces, ont été découverts
près de Casablanca, au gisement de Tit Mellil et à
Taforalt.
Il est fort probable que la population connut une sensible croissance
liée au fait que l’armement de ces chasseurs devient
plus efficace, améliorant ainsi leurs conditions de survie.
Il faut également noter un appauvrissement de la faune
en Afrique du Nord (les hippopotames se raréfient) dû
principalement aux transformations climatiques. L’assèchement
du Sahara, jusque-là région à flore abondante,
commence, et en se poursuivant, aboutira à l’isolement
de l’Afrique du Nord.
Le Paléolithique supérieur (environ – 15 000)
Cette phase de la Préhistoire
est caractérisée par l’apparition de l’
« Homo sapiens », un nouveau type d’homme
très proche de l’homme actuel, et par la disparition
de l’Homme de Néanderthal. Cette dernière
demeure jusqu’à présent énigmatique.
Le Caspien et l’Ibéro-maurusien appelés
aujourd’hui Mouillien ou Oranien –de la Mouillah
en Algérie-, contemporains du Magdalénien et de
l’Azilien européens, se partagent l’Afrique
du Nord. Bien que ces deux industries lithiques coexistent,
le Mouillien précède chronologiquement le Caspien
dont le nom vient de Gafsa, l’ancienne Caspa en Tunisie.
D’après un certain nombre de fouilles archéologiques,
l’introduction du Caspien correspond à l’arrivée
d’une population venue d’Orient il y a environ neuf
mille ans. Il semblerait qu’elle soit l’ancêtre
très lointain des actuels Berbères même
si la question de l’origine des Berbères reste,
dans l’état actuel de nos connaissances, insoluble.
Le Caspien se maintient du VIIIe au Ve millénaire et
se caractérise par un outillage de plus grande dimension
que celui du Mouillien, qui géographiquement concerne
le Maroc et le littoral du Maghreb. Cette civilisation serait
apparue entre 30 000 et 20 000 avant JC et se caractérise
par des outils de petite taille, l’apparition d’outils
en os et d’éléments de parure, principalement
des coquillages. Les premiers nécessitent un façonnage
et polissage d’une grande habileté alors que les
seconds attestent l’apparition et le développement
certain du souci esthétique. C’est le début
de l’art, de la fabrication de beaux objets dont la fonction
primordiale n’est plus exclusivement celle « de
survie ».
Les premières préoccupations esthétiques
apparaissent à travers la décoration gravée
de divers objets allant du récipient utilitaire aux éléments
de parure.
Au Maroc, les hommes commencent à occuper des campements
durables près des sources mais surtout le long de la
côte même s’il semble peu probable qu’ils
étaient marins ou pêcheurs.
Le Mouillien se caractérise également par l’introduction
de rites funéraires précis dénotant des
préoccupations religieuses. En général,
les morts ont le corps en décubitus latéral, les
incisives arrachées et à Taforalt, les os ont
été peints.
Même si le Caspien semble avoir éliminé
ou absorbé les populations précédentes,
celle des Mechtoïdes (Homme de Mechta el-Arbi) dont l’industrie
était le Mouillien, se maintient et semble même
progresser vers le centre du Sahara pendant le Néolithique.
Le Néolithique (environ – 4 000)
Au Maroc, cette phase de la Préhistoire
ou « époque de la pierre polie » n’est
pas antérieure à 4 000 avant JC et semble s’être
prolongée jusqu’en période historique.
Entre 4 000 et 2 000 avant JC, l’assèchement
du Sahara entre dans sa phase finale laissant quelques îlots
fertiles isolés et provoque la migration de sa population
vers le Nord, l’Est et le Sud.
Il est généralement admis que depuis 1 000 avant
JC, le climat n’a pas connu de transformations radicales.
La faune locale évolue sensiblement avec une augmentation
considérable d’antilopes et une stagnation du
nombre d’éléphants et de fauves.
L’événement déterminant au premier
millénaire avant notre ère est l’introduction
d’animaux domestiques (chiens, moutons, bovidés
et chevaux) et l’amorce de la substitution de la chasse
par l’élevage.
Véritable révolution, l’agriculture se
répand grâce aux perfectionnements de l’outillage
de pierre polie, aux haches et aux pioches. A Dar Soltan,
un nombre important de haches polies a été découvert
alors qu’à Achakar ce sont de délicates
pointes de flèches qui ont fait l’objet d’une
découverte.
Des fours rudimentaires et tessons de céramique modelée
attestent de l’introduction de la céramique.
La mise au jour de la nécropole de Rouazi, dans la
région de Skhirat en 1980, s’est révélée
d’une importance capitale, apportant la preuve qu’en
plus des activités agricoles et pastorales caractéristiques
du Néolithique, celles de la pêche étaient
également pratiquées au Maroc. Plusieurs sépultures
possédaient également un riche mobilier funéraire
composé d’objets en os, en ivoire, de haches
polies et d’un grand nombre de vases en céramique
de formes et décoration variées.
La nécropole de Skhirat, Kahf Taht al Ghar et Ghar
Kahal comptent parmi les sites les plus importants.
Au Maroc comme en Afrique du Nord, le Néolithique semble
avoir subi l’essentiel de ses influences d’Egypte
ou du Proche-Orient, soit par voie terrestre à travers
le Sahara soit par voie maritime, l’existence de la
navigation méditerranéenne, dès le premier
millénaire avant notre ère, ayant été
prouvée.
La fin de la Préhistoire : la Protohistoire (environ – 2 000)
La Protohistoire, ou époque
des métaux, est caractérisée au Maroc par
la présence d’outils de bronze même si leur
origine exacte est encore très problématique.
Nous ne savons toujours pas s’ils étaient de fabrication
locale, imitant des outils introduits par le commerce ou par
des envahisseurs, ou simplement importés. De plus, les
fouilles ont été trop peu nombreuses pour que,
de la rareté des armes et des outils de bronze (épée
de l’oued Loukkos, la hache en cuivre de l’oued
Akreuch,…), nous puissions en tirer une quelconque conclusion.
Et pourtant, l’existence de nombreuses gravures sur tables
de grès dans le Haut Atlas de Marrakech (au Yagour, à
l’Oukaïmeden et au Tizi N’tirlist), représentant
des armes de bronze (poignards et hallebardes ou haches d’armes),
prouvent sans l’ombre d’un doute la relative vulgarisation
du métal au Maroc. Les plus spectaculaires de ces gravures
sont contemporaines de l’âge du bronze espagnol
d’El Argar (1700 à 1200 avant JC).
Un nombre important de gravures a été relevé
tout le long de l’oued Draa et du Jebel Bani.
Hormis les représentations d’armes, les figurations
humaines, animales et les dessins géométriques
sont très fréquents. Quelques espèces de
la faune représentée n’existent plus.
Certaines gravures rupestres du Haut et de l’Anti-Atlas
(plus de deux cent quarante sites renfermant chacun au moins
soixante-dix gravures) restent énigmatiques. Beaucoup
de figures sont symboliques, la plupart ayant probablement une
signification mythique ou religieuse encore inconnue. Cependant,
il est évident qu’en observant certaines représentations,
l’aspect purement décoratif domine, incitant à
supposer qu’elles ne possèdent pas uniquement une
fonction rituelle.
La façon remarquable dont les artistes ont représenté
aussi bien les hommes et les animaux que les chars de course
constitue une véritable révélation artistique.